Interview avec Ajanta Dey, Inde :
« LIVELIHOODS A PERMIS DE MENER NOTRE MISSION A ECHELLE »

Situées dans l’État du Bengale occidental (Inde orientale), dans le delta du Gange, les Sundarbans sont un archipel d’îles qui forment le plus grand écosystème de mangroves estuariennes au monde. La forêt des Sundarbans, qui abrite près de 4,5 millions de personnes, est menacée par le changement climatique et l’élévation accélérée du niveau de la mer. En 2011, Livelihoods Venture et la Fondation indienne Nature Environment & Wildlife Society (NEWS), une ONG locale, ont uni leurs forces pour restaurer plus de 16 millions de mangroves afin de renforcer les digues, restaurer la biodiversité et créer des opportunités économiques pour les communautés locales. Le projet permet de séquestrer un total de 700 000 tonnes de CO2 sur une période de 20 ans.

Ajanta Dey, Secrétaire Associée et Directrice Programme de NEWS, explique comment le projet Livelihoods-NEWS a contribué à restaurer un écosystème de mangroves fragile avec de grands impacts sociaux et économiques, ainsi qu’à mener à échelle la mission centrale de l’ONG pour la conservation de la nature.

 

Ajanta Dey, Secrétaire Associée et Directrice Programme de l’ONG locale NEWS

Livelihoods Venture : Comment a démarré le projet Livelihoods-NEWS dans les Sundarbans ?

« En 2010, chez NEWS nous étions une équipe de 10 personnes inventant des modèles sur la façon de restaurer les écosystèmes naturels et les soumettait au gouvernement. Notre priorité était de restaurer l’écosystème de mangrove dans les Sundarbans, qui est essentiel pour les moyens de subsistance des communautés, surtout après le cyclone tropical qui a frappé la région en 2009. Nous avions le modèle, mais les ressources financières du gouvernement ne suffisaient pas pour mener à bien notre mission. Le Fonds carbone Livelihoods a été une énorme opportunité pour nous de déployer un modèle reproductible, avec un fort impact pour les communautés. Dès le début, l’objectif commun de Livelihoods et NEWS était de trouver des solutions efficaces. Et la compensation carbone était un moyen puissant pour y parvenir ».

Livelihoods Venture : quels sont les bénéfices apportés par le projet Livelihoods aux communautés des Sundarbans ?

« Préservation de la biodiversité et amélioration de la vie des communautés :

Pour commencer, ce qui est essentiel dans les projets des Fonds Carbone Livelihoods c’est qu’au-delà de l’impact carbone, ils génèrent un fort impact pour la préservation de la biodiversité et les moyens de subsistance des communautés locales. Le défi que nous avions était de taille : nous devions reconstruire un écosystème de mangroves à part entière, qui constitue une barrière naturelle contre les inondations, mais qui est également riche en biodiversité. Les Sundarbans constituent un écosystème unique mais aussi un habitat riche pour la faune sauvage qui était menacé et particulièrement appauvri dans la région. Ensemble, nous avons réussi à restaurer 5 200 hectares de mangroves qui ont contribué à améliorer sensiblement la biodiversité. Les poissons, oiseaux, crevettes et autres crustacés sont de retour. Aujourd’hui, nous comptons 500 collecteurs de crabes au lieu de 50 avant le lancement du projet, sur la même île où une grande colonie d’oiseaux s’est développée.

Le projet repose sur une forte inclusion économique pour les communautés locales :

Deuxièmement, le modèle Carbone Livelihoods repose sur une forte inclusion économique. Il a été entièrement construit avec les communautés locales et adapté à leurs besoins réels. Au début, cela n’a pas été facile : nous avons dû convaincre les communautés marginalisées des Sundarbans de rejoindre le programme. Nous avons passé des mois à discuter avec elles pour leur expliquer les dimensions du projet, sélectionner les zones du projet, sélectionner les espèces de mangroves, préparer les pépinières avant la plantation. Nous avons également passé beaucoup de temps à structurer notre travail pour mettre en place un suivi de la croissance des arbres, les rapports à rédiger et nous assurer que nous disposions du cadre adéquat pour réussir notre mission sur le long terme, car il s’agit d’un projet de 20 ans.

Au cours des quatre premières années, les communautés, en particulier les femmes, ont investi beaucoup de temps préparer les pépinières, transporter et planter les arbres, les arroser pendant les saisons sèches et les protéger pendant leur croissance, avec dévouement.

Aujourd’hui, lorsque les habitants du village visitent les mangroves, ils sont tous vêtus de saris verts, pour montrer qu’ils sont en « surveillance des mangroves », formant une sorte de brigade verte. Ils remplissent leurs rapports, observent la croissance des arbres, vérifient leur viabilité. Ce qui ressort fortement après 10 ans de projet, c’est leur fierté et forte implication. Nous comptons plus de 300 représentants de la mangrove qui sont pleinement intégrés dans le programme et sont devenus les véritables acteurs du programme de restauration. »

NEWS, Sundarbans

Badabon Harvest est une marque et un programme qui utilisent la demande croissante du marché de Kolkata en aliments frais, naturels et cultivés biologiquement, comme moteur de développement d’activités au profit des communautés des Sundarbans.

En savoir plus ici.

« Nous avons créé la marque Badabon Harvest pour développer des activités génératrices de revenus pour les agriculteurs :

En échange de leur temps consacré à surveiller la croissance des mangroves, nous avons décidé de mener un programme pour développer des opportunités économiques pour eux et faciliter les connexions avec le marché de Kolkata où il y avait une forte demande pour des aliments frais, naturels et cultivés biologiquement. En 2018, nous avons créé la marque Badabon Harvest avec un groupe d’agriculteurs marginalisés, essentiellement les gardiens de la mangrove, pour les aider à améliorer leurs revenus par l’élevage, la commercialisation de produits biologiques, l’amélioration des pratiques agricoles, la pisciculture, etc. Ce fut une profonde transformation pour NEWS : nous avions désormais une approche différente, passant d’une conservation de la nature basée sur la recherche à une conservation basée sur l’action sur le terrain, liée au développement des moyens de subsistance tout en facilitant le développement des activités commerciales. Grâce à la marque Badabon Harvest, leur propre entreprise, les agriculteurs vendent maintenant leurs produits sur le marché de Calcutta, et cela a été possible grâce au soutien aux moyens de subsistance qui a réussi à lier la restauration des mangroves à de fortes opportunités économiques pour les communautés locales ».

Livelihoods Venture : quel a été l’impact carbone généré par la restauration des mangroves ?

Il s’agit d’un autre élément clé du modèle du Fonds Carbone Livelihoods : le financement du projet en amont. C’est unique dans la finance à impact : les entreprises investissent à risque. Mais ce financement est rentable pour elles ainsi que pour la planète. Carles mangroves sont parmi les meilleurs agents de séquestration du carbone : elles stockent beaucoup de carbone dans leurs racines et pendant leur croissance. Ce carbone est transformé en crédits carbone qui sont utiles pour les entreprises privées qui visent la neutralité en réduisant leurs émissions dans leur chaîne de valeur et en compensant celles qu’elles n’auront pas réussi à réduire ».

LV : De quelle manière le Livelihoods a aidé NEWS à mener sa mission de conservation de la nature à échelle ?

 « Les ONG comme la nôtre rêvent de passer à échelle. Le projet Livelihoods et nos nombreuses interactions avec l’équipe nous ont transformés à bien des égards : notre vision, notre identité, notre capacité à travailler avec les communautés locales. Cela nous a permis d’ouvrir de nombreux dialogues avec les politiques, les partenaires, les producteurs de poisson. Rien que par l’ampleur du projet, nous avons dû répandre ce modèle de conservation dans les Sundarbans, tant sur le plan scientifique qu’écologique. Nous avons élargi nos activités et aidé notre organisation à passer d’un objectif de conservation pure à des activités génératrices de revenus liées à la conservation pour les communautés locales. Ce fut un long et fructueux voyage. La préservation de la nature ne peut fonctionner si nous n’impliquons pas ces communautés.    

En tant qu’organisation, nous sommes passés de 10 employés, dont 1 comptable et 1 bureau, à 38 employés, 5 comptables et 5 bureaux ! Dans les Sundarbans, tout le monde nous connaît maintenant sous le nom de « Parti vert ».

LV : Quels seront les défis de la compensation carbone pour les années à venir ?

 « Nous devons agir sur l’ensemble de l’écosystème de la mangrove. Nous devons travailler sur toute la chaîne de valeur, main dans la main avec le gouvernement, les petits exploitants, les organisations de la société civile, les instituts, les sociétés d’import et d’export… parce qu’il s’agit vraiment d’une mission multipartite.

Au niveau mondial, les projets de compensation carbone sont nécessaires pour restaurer les écosystèmes naturels clés et réduire les émissions de CO2. Mais ils ne sont pas la seule solution. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une action politique plus forte et de normes pour réduire efficacement les émissions de CO2, mais aussi pour stocker le carbone dans les sols et les forêts. C’est particulièrement vrai pour les pays développés, mais aussi pour les économies en développement comme l’Inde. Le Fond Livelihoods repose sur un modèle qui relie deux mondes différents : les pays développés et les pays en développement, le secteur privé et le secteur public, les défis pour les communautés et l’environnement ».

Photos : Hellio Vaningen / Livelihoods Funds.

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