Éliminer la pauvreté :
Le grand débat sur le revenu des fermiers

Des millions de petits exploitants agricoles nourrissent la population mondiale, mais peuvent difficilement nourrir correctement leur propre famille ou satisfaire leurs besoins essentiels. La pauvreté rurale est un triste paradoxe de notre époque. Pourtant, le travail quotidien des femmes et des hommes sur le terrain génère une grande valeur économique, sociale et environnementale dans les chaînes d’approvisionnement. Les causes sont multiples et il n’existe certainement pas une seule solution simple pour éradiquer la pauvreté rurale. Certaines entreprises s’aperçoivent qu’une transformation majeure est nécessaire pour rendre l’agriculture durable et attrayante pour les jeunes générations. Le chemin est complexe mais des solutions existent pour sortir les agriculteurs de la pauvreté.

 

Le revenu des petits exploitants agricoles est-il principalement lié à la productivité ? Si la réponse est oui, améliorer la productivité entraînerait une augmentation des revenus.  C’est évidemment le cas dans de nombreuses régions où la production par hectare ou par vache est faible et où l’accent est mis sur l’amélioration des connaissances des agriculteurs (en particulier sur l’autonomisation des femmes et des jeunes). En appliquant de meilleures pratiques, en investissant dans les équipements agricoles, en intégrant des technologies adaptées, a un impact direct sur les revenus si les coûts de production sont maîtrisés pour augmenter les marges.

Cela semble simple à première vue. Mais alors, pourquoi les choses n’avancent-elles pas plus vite ?  En y regardant de plus près, on constate que la situation est plus complexe qu’elle n’en a l’air et qu’il existe une diversité de facteurs qui influent sur la pauvreté.

L’expérience des Fonds Livelihoods, en particulier du Fonds Livelihoods pour l’Agriculture Familiale, montre que répondre à l’enjeu de la pauvreté nécessite des transformations profondes et l’implication de nombreux acteurs dans la chaîne d’approvisionnement. Répondre à la question de la pauvreté repose sur plusieurs facteurs clés :

  1. LA TERRE : les droits de propriété terrestre, la taille des exploitations, l’accès à la terre constituent un facteur clé de pauvreté dans de nombreux pays où les gouvernements devraient entreprendre des réformes courageuses pour améliorer la sécurité foncière, éviter la fragmentation des terres dans les très petites exploitations non viables, aider les jeunes agriculteurs à démarrer leur activité dans de bonnes conditions.
  2. LE MARCHÉ : la connexion aux marchés est souvent inefficace avec de nombreux intermédiaires, des réseaux informels complexes qui récupèrent une part importante de la valeur des matières premières. Des organisations paysannes plus fortes et mieux gérées, l’approvisionnement direct et la traçabilité sont des leviers majeurs à prendre en compte à chaque étape de la chaîne de valeur.
  3. LE PRIX : les hausses et les baisses des prix mondiaux constituent une menace pour les agriculteurs mais aussi pour tous les acteurs privés et publics engagés à éliminer la pauvreté. Les agriculteurs ont besoin de sécurité et de visibilité. Les prix effrénés détruisent l’effort visant à instaurer la confiance et une relation stable entre les agriculteurs et les acheteurs. Nous devrions encourager la garantie d’un prix plancher et des mécanismes de rentabilité pour les agriculteurs. Par ailleurs, une réflexion approfondie doit être menée pour définir ce qu’est un prix équitable par rapport au coût réel des aliments, des matières premières, mais aussi pour prendre en compte les impacts environnementaux/sociaux positifs ou négatifs de l’agriculture.
  4. L’ACCÈS AU FINANCEMENT : l’accès au financement à un coût abordable reste un défi pour la plupart des petits exploitants agricoles. Les prises de participation ou les prêts à long terme dans l’industrie agroalimentaire profitent principalement aux transformateurs, plutôt qu’aux agriculteurs qui constituent un groupe complexe et mis en péril par les banques et les institutions financières. L’efficacité du financement public pourrait être améliorée grâce à des modèles axés sur les résultats et devrait bénéficier en priorité aux agriculteurs plutôt qu’aux intermédiaires, comme c’est trop souvent le cas. Des modèles de micro-assurance pour protéger les petits exploitants agricoles émergent et devraient être fortement encouragés, notamment dans un contexte de réchauffement climatique.
  5. LA DIVERSIFICATION : la spécialisation des exploitations agricoles dans une seule culture commerciale a contribué à améliorer l’efficacité, mais elle a également piégé les agriculteurs dans la monoculture, ce qui conduit à la dégradation des sols et de la biodiversité. Des modèles plus équilibrés devraient être mis au point, y compris via la diversification des cultures végétales et de l’élevage, de cultures vivrières et de cultures rentable, pour rendre les fermes plus résilientes d’un point économique et écologique. Les acheteurs du secteur privé devraient considérer une ferme comme un écosystème à part entière au lieu de se concentrer uniquement sur le produit acheté.

 

Quel rôle le secteur privé, y compris les marques multinationales, les fournisseurs et les acteurs de la transformation agroalimentaire peuvent-ils jouer dans la chaîne de valeur ? Quelle est leur responsabilité et leur pouvoir au niveau local et international ?

Au cours des 50 dernières années, l’approvisionnement en matières premières agricoles a été dominé par le modèle des « commodities ». Dans ce modèle d’approvisionnement, la production de blé, de riz, de cacao ou de lait en masse est équivalente ou presque, au prix d’achat, au court terme. Il s’agit d’un modèle qui prend peu compte de l’origine du produit et de la localisation de l’exploitation. Ce modèle a conduit à une déconnexion de la chaîne d’approvisionnement, ignorant les conditions et les impacts des pratiques agricoles sur le produit fini. De plus en plus d’entreprises se rendent compte que ce paradigme des « commodities » est sous pression. Avec les progrès actuels des techniques de traçabilité, connaître l’origine de son approvisionnement et ses impacts écologiques et sociaux devient une priorité. Cette transformation des chaînes d’approvisionnement contribuera à changer la relation entre les agriculteurs et les acheteurs.  Par exemple, les entreprises qui investissent dans les Fonds Livelihoods aident les agriculteurs à réussir la transition vers des pratiques agricoles durables. Ils s’engagent, ensuite, à s’approvisionner auprès d’eux, sur le long terme.

Comment aborder les questions sociales et environnementales au même niveau ?

Pour les entreprises dont l’activité dépend de l’agriculture et de l’élevage, le défi des décennies à venir consiste à gagner plusieurs batailles en parallèle : lutter contre le réchauffement climatique qui impacte leur approvisionnement, lutter contre la perte de la biodiversité, la dégradation des terres ou des ressources en eau, lutter contre la pauvreté de millions de petits agriculteurs qui aspirent à de meilleures conditions de vie. Naturellement, les entreprises peuvent avoir tendance à établir des priorités et à se concentrer sur un seul défi à la fois. 

Mais pour de nombreux agriculteurs, il ne s’agit que d’une seule et même bataille, liée à l’exploitation : sécheresses ou inondations, températures extrêmes, perte de la fertilité des sols, diminution de la résistance des plantes, etc. ont un impact direct sur la productivité par hectare et le revenu.  Les pratiques agricoles non durables ont tendance à amplifier l’impact du réchauffement climatique sur la ferme. Il existe de nombreux exemples où de mauvaises pratiques aggravent les conditions écologiques et sociales de l’agriculture. Mais à l’inverse, il existe de plus en plus d’exemples d’agriculteurs engagés dans la mise en œuvre concrète d’une « agriculture régénératrice », d’une « agriculture intelligente », d’une « agriculture écologiquement intensive » qui présentent des résultats prometteurs. La transition vers une agriculture plus durable a commencé et doit être massivement amplifiée.

Il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord : la transformation du modèle ne réussira pas sans les agriculteurs qui y jouent un rôle clé. Et les agriculteurs s’engageront dans la transformation s’ils ont une bonne raison de le faire, en particulier les petits exploitants qui sont confrontés à la pauvreté et à des ressources limitées. Dans de nombreux cas, enjeu social et environnemental sont indissociables. Par conséquent, nous devons adresser les défis sociaux, économiques et écologiques au même niveau. Les solutions doivent profiter aux agriculteurs, au sol, grâce à des modèles d’investissement tournés sur long terme.

Photos : Masy Andriantsoa / Livelihoods Funds.

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