Réconcilier intégrité et inclusion : ce qu’il faut retenir du Livelihoods Rendez-vous pré-COP30

Mercredi 5 novembre 2025, le Livelihoods Rendez-vous a réuni environ 200 participants, à Paris et en ligne, pour explorer comment le marché volontaire du carbone peut véritablement servir les populations et la planète. L’événement a mis en lumière une conviction commune : lorsque le dialogue remplace le dogme, la collaboration devient porteuse de sens.

La soirée a mis en évidence que, bien que le marché volontaire du carbone ait permis de mobiliser des milliards de financements privés, sa complexité grandissante menace d’en exclure les petits producteurs et les agriculteurs familiaux, pourtant indispensables à l’action climatique et producteurs d’un tiers de la nourriture mondiale.

Pendant l’événement, nous avons entendu des voix majeures, engagées pour le climat, la nature et les communautés :

  • Panel 1 ‘Retours du terrain’ a réuni Ajanta Dey, de la Nature Environment and Wildlife Society (NEWS) en Inde, qui a présenté la restauration de 5 000 hectares de mangroves bénéficiant à 250 000 personnes ; Margaret Kim, Directrice générale de Gold Standard, qui a évoqué le renforcement de standards carbone à la fois rigoureux et évolutifs ; Pierre-Alexandre Bapst, Directeur du développement durable chez Hermès, qui a partagé la perspective d’un investisseur ; et Gilles Moynot, Responsable Climat chez Livelihoods, qui a présenté des approches co-construites et ancrées localement.

  • Panel 2 ‘Investissements à échelle’ a réuni Paloma Adams Allen, Présidente et Directrice générale d’Airlink et ancienne Sous-Administratrice de l’USAID ; Fidèle Bingwa, Secrétaire permanent du Ministère de l’Environnement du Rwanda ; Christian Didier, Associé Climat et développement durable chez Deloitte ; Eric Soubeiran, Directeur général de Livelihoods; et Gilles Vermot-Desroches, Directeur de la Citoyenneté chez of Schneider Electric, qui ont exploré des approches permettant de faire évoluer les financements tout en valorisant les co-bénéfices sociaux et environnementaux.

  • Isabelle Grosmaitre, Fondatrice de Goodness&Co, a animé les échanges, reliant les réalités du terrain à une vision stratégique.

 

Le paradoxe central abordé, et souligné par la publication de notre Note de Position, est le suivant : une intégrité sans pragmatisme risque de devenir une intégrité sans impact.

Le marché volontaire du carbone n’est pas une fin en soi, mais un moyen : un levier pour canaliser les financements privés vers des écosystèmes florissants et des moyens de subsistance résilients.

La Note de Position propose des actions urgentes pour que le marché volontaire du carbone fonctionne au service des communautés rurales :

Les règles actuelles de permanence, exigeant entre 30 et 100 ans, sont en décalage avec la réalité, notamment l’espérance de vie moyenne des petits exploitants (par exemple, 55 à 60 ans dans certaines régions d’Afrique). Nous proposons d’aligner la période de comptabilisation du crédit carbone sur la durée réelle du changement, avec un maximum de 20 ans. Le marché volontaire du carbone doit également reconnaître la spécificité de ces projets en développant une voie de certification dédiée aux projets basés sur la nature, menés par des petits exploitants.

Les projets fondés sur la nature et menés par des petits exploitants subissent souvent des ajustements de risque supplémentaires (parfois jusqu’à 25 % de réserve de non-permanence). Nous appelons à supprimer ces ajustements supplémentaires et à gérer collectivement les risques inhérents via le mécanisme de réserve commune existant. Cela crée une « véritable solidarité » et encourage l’investissement dans des projets offrant des co-bénéfices sociaux, économiques et environnementaux significatifs.

Le poids actuel du reporting est devenu disproportionné. Les processus complexes de Suivi, Reporting et Vérification peuvent consommer 15 à 20 % des budgets de projet et contraindre les responsables de projet à consacrer jusqu’à 30 % de leur temps à la documentation plutôt qu’à la mise en œuvre sur le terrain. Nous demandons aux standards de formaliser des processus simplifiés et adaptés au terrain, et de co-investir dans des outils numériques pour alléger le reporting, afin que les financements aillent à l’action plutôt qu’aux intermédiaires.

Il est nécessaire d’adapter les standards aux réalités socio-culturelles. Imposer une vision étroite et occidentalisée des droits fonciers, exigeant des titres formels, est contre-productif. Les opérateurs du marché volontaire du carbone doivent reconnaître et intégrer les systèmes coutumiers de droits fonciers comme formes légitimes de gouvernance, afin de garantir la participation des petits exploitants.

La gouvernance actuelle des standards du marché volontaire du carbone reste largement descendante et dominée par les experts. Pour garantir la faisabilité pratique des règles, nous demandons que l’élaboration des standards soit menée par des commissions mixtes composées à parts égales de praticiens de terrain et de décideurs. Fondamentalement, nous devons privilégier le pragmatisme à la perfection, valoriser l’itération et l’apprentissage pour maintenir le système en mouvement, car attendre des preuves parfaites mène à la paralysie.

Les gouvernements doivent veiller à ce que l’imposition de taxes ou de prélèvements sur les projets carbone, bien qu’intentionnée, ne compromette pas la viabilité financière des initiatives fondées sur la nature. Nous recommandons d’établir des cadres réglementaires transparents, prévisibles et incitatifs, récompensant la contribution aux Contributions Déterminées au niveau National et au bien-être communautaire, plutôt que de taxer les résultats.

Le véritable succès de ce marché ne se mesurera pas aux tonnes comptabilisées, mais à la confiance qu’il crée et aux communautés qu’il renforce. Nous avons hâte de traduire ces idées en actions concrètes, auprès des organismes de standardisation, des gouvernements, et à la COP30 à Belém.

Nous vous invitons à consulter les documents ci-dessous et à poursuivre ce dialogue essentiel :