De la dégradation à la régénération des sols : Mettre à l’échelle l’avenir de l’agriculture européenne

Le Sommet européen sur l’agriculture carbone 2025 a réuni plus de 500 parties prenantes du secteur agroalimentaire à Dublin pour explorer des solutions permettant de déployer à grande échelle l’agriculture régénérative. Le sommet a servi de plateforme pour partager les bonnes pratiques, discuter de modèles financiers innovants et mettre en lumière des stratégies permettant de rendre l’agriculture durable accessible, rentable et généralisable.

En tant qu’organisation engagée dans l’accompagnement des agriculteurs et des entreprises dans leur transition vers une agriculture respectueuse de la nature, Livelihoods était fière de prendre part à ces échanges.

Le 4 mars, notre directeur général, Éric Soubeiran, a participé à la Cérémonie d’ouverture et à la séance plénière, aux côtés de représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Marine du gouvernement irlandais.

Le 5 mars, nous avons coorganisé une session plénière intitulée Renforcer des chaînes de valeur agricoles résilientes et inclusives, partageant les enseignements issus de partenariats public-privé et de coalitions territoriales en collaboration avec Social Carbon et Treevaluation.

Les discussions de cette rencontre ont porté sur la manière de transformer l’ambition en action. Bien que les avantages de l’agriculture régénérative soient largement reconnus, sa généralisation reste un défi. Les agriculteurs font face à des risques financiers, à un accompagnement technique limité, et à un manque d’incitations claires du marché. De leur côté, les entreprises agroalimentaires peinent à intégrer la durabilité dans leurs chaînes de valeur tout en générant une valeur mesurable.

Pour répondre à ces obstacles, une table ronde a réuni des leaders du secteur, dont Mike Davies, directeur général de la Social Carbon Foundation ; Nikol Ostianova, cofondatrice de Oneness: Nature+ Value Chains & Markets et présidente du comité technique de l’International Platform for Insetting ; Mark Pybus, chef de projet Royaume-Uni chez Livelihoods ; et Éric Soubeiran, directeur général de Livelihoods. Ensemble, ils ont exploré les défis et opportunités de l’agriculture régénérative et souligné la nécessité d’une collaboration transversale au sein de la chaîne de valeur.

Le message principal était clair : des partenariats entre agriculteurs, entreprises, décideurs publics et institutions financières sont essentiels pour concevoir des solutions concrètes et évolutives rendant l’agriculture régénérative à la fois viable et rentable.

Pour aller au-delà des projets pilotes et des succès isolés, il faut créer un environnement favorable où agriculteurs, entreprises et décideurs peuvent aligner leurs efforts. Les discussions du sommet ont mis en lumière cinq leviers d’action prioritaires :

1. Politique : Créer un cadre favorable

L’agriculture régénérative nécessite des engagements politiques clairs et de long terme, offrant stabilité et visibilité aux investisseurs. Les subventions agricoles et les systèmes de paiement doivent évoluer vers une logique de rémunération à l’impact, où les incitations financières sont liées à des résultats environnementaux mesurables. L’alignement entre le droit européen de la protection de l’environnement, la loi sur la restauration de la nature et le cadre de certification du carbone agricole contribuera à réduire les risques et à instaurer une approche cohérente de l’agriculture favorable au climat.

2. Soutenir les agriculteurs : Lever les freins à l’adoption

Les agriculteurs sont au cœur de cette transition, mais ils ne peuvent y parvenir seuls. Leur représentation dans les débats politiques doit être renforcée, des plateformes pratiques de partage des connaissances doivent être mises en place, et le soutien technique doit être adapté aux conditions locales. La démonstration de modèles économiques viables contribuera également à faire évoluer les perceptions et à prouver que l’agriculture régénérative est économiquement soutenable.

3. Financement et investissement : Libérer des capitaux pour la régénération

Les investisseurs et les institutions financières doivent reconnaître la terre et la nature comme des actifs d’infrastructure à long terme, et faire de l’agriculture régénérative une priorité d’investissement. Le soutien à des intrants respectueux de l’environnement et à des pratiques d’usage durable des terres permettra de réduire les risques liés au climat et aux cultures, tout en renforçant les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires. Des mécanismes de partage des risques seront également cruciaux pour répartir équitablement les responsabilités financières entre les parties prenantes.

4. Entreprises agroalimentaires : Faire de la régénération un levier stratégique

Pour que l’agriculture régénérative change d’échelle, elle doit créer de la valeur réelle, au-delà des labels de durabilité. La réduction des intrants, la baisse des charges de travail, et l’augmentation de la rentabilité à l’hectare démontrent que ces pratiques peuvent concilier performance environnementale et économique. Mais cette transition nécessite de la coordination : un alignement entre agriculteurs, fournisseurs et entreprises autour d’objectifs communs. C’est là que Livelihoods joue un rôle clé : en faisant le lien entre les acteurs, en concevant des solutions concrètes, et en intégrant les pratiques régénératives dans les chaînes d’approvisionnement pour générer un impact durable.

5. Suivi, reporting et vérification (MRV) : La cohérence pour un impact efficace

Plutôt que de multiplier les dispositifs de collecte de données, la priorité est d’harmoniser les cadres MRV à travers la chaîne de valeur afin de garantir cohérence, efficacité et pertinence. La collecte de données doit être conçue pour servir à la fois les objectifs de durabilité et les besoins opérationnels des agriculteurs — sans alourdir leur charge de travail. L’exploitation d’outils numériques et technologiques permettra de minimiser les saisies manuelles, d’améliorer la fiabilité des données et de gagner un temps précieux, tout en favorisant une transparence accrue et une prise de décision éclairée à tous les niveaux.

Le Sommet européen sur l’agriculture carbone 2025 a rappelé un message fondamental : l’agriculture régénérative n’est pas seulement une nécessité environnementale — c’est une opportunité économique. En restaurant les sols, en favorisant la biodiversité et en renforçant la résilience des exploitations, nous pouvons bâtir un système alimentaire qui profite à la fois aux populations et à la planète.

Faire émerger des solutions à grande échelle implique de briser les silos. Les décideurs publics doivent établir des incitations claires, les investisseurs doivent reconnaître la valeur de la préservation des terres sur le long terme, les entreprises agroalimentaires doivent intégrer la régénération à leur stratégie, et les agriculteurs doivent être soutenus financièrement et techniquement.

Chez Livelihoods, nous restons profondément engagés en faveur d’une agriculture positive pour la nature. Nos 15 années d’expérience nous ont montré que la transition est possible — lorsqu’elle commence par ce qui compte le plus pour les agriculteurs. En mettant l’accent sur des bénéfices concrets comme la santé des sols, la productivité et la résilience économique, le changement durable peut véritablement s’ancrer. Les choix que nous faisons aujourd’hui façonneront l’agriculture de demain — une agriculture où nature et production prospèrent côte à côte.