Sur les pentes vallonnées du Rwanda, en Afrique de l’Est, les moyens de subsistance des communautés rurales sont particulièrement fragiles. Petit pays de 26 338 km2, le Rwanda est confronté à une forte pression démographique (12,3 millions d’habitants), qui dégrade écosystèmes naturels et terres agricoles, d’autant plus affectés sous les effets du changement climatique. Mais depuis 15 ans, le pays trace sa route vers plus de stabilité environnementale, sociale et économique. En investissant dans un large éventail de secteurs, dont la science, la technologie et la protection de l’environnement, le Rwanda vise à ouvrir sa propre population à de nouvelles opportunités économiques. Avec 82 % de sa population vivant dans les zones rurales et dépendant de l’agriculture pour vivre, le gouvernement s’est également fixé comme objectif de développer l’agroforesterie sur les terres arables et restaurer 2 millions d’hectares % d’ici à 2024.
Mais l’agroforesterie peut-elle contribuer à lutter contre la dégradation des terres, augmenter les revenus des petits agriculteurs et atténuer les effets du changement climatique ? Peut-on faire rimer agriculture durable et revenus durables ?
Livelihoods fait ce pari, en investissant dans un projet d’agroforesterie et de plantation d’arbres fruitiers à grande échelle dans les districts de Rulindo (province du Nord) et de Bugesera (province de l’Est du Rwanda). Le projet permettra de planter 3,7 millions d’arbres et de former près de 30 000 agriculteurs à l’agriculture durable. Il sera mis en œuvre par l’ONG locale ARCOS (Albertine Rift Conservation Society) qui travaille étroitement avec un large réseau d’acteurs publics et privés ainsi qu’avec les communautés locales. Fortement impliquées à chaque étape du projet, les autorités locales au niveau du village et du district soutiendront plusieurs activités clés telles que la préparation des pépinières, les plantations d’arbres et les coopératives d’agriculteurs. Ce projet d’agroforesterie permettra de séquestrer plus de 2,2 millions de tonnes de CO2 sur une période de 20 ans.
Vers une stabilité sociale, économique et environnementale
Se remettant lentement de l’épisode tragique du génocide de 1994, la transition du Rwanda vers la stabilité sociale est visible. Le pays a réduit son taux de pauvreté de 20 % au cours de ces 15 dernières années et vise à atteindre le statut de pays à revenu moyen d’ici 2035. Parmi les autres améliorations sociales, citons la réduction de 81 % de la mortalité des enfants de moins de cinq ans, l’amélioration de l’égalité hommes-femmes au parlement (64 % des sièges occupés par des femmes) et l’augmentation de l’espérance de vie : avec 87% de couverture sociale, le pays enregistre le taux d’inscription à l’assurance maladie le plus élevé parmi les pays d’Afrique subsaharienne.
Le Rwanda s’engage également sur la voie de la stabilité économique. La Stratégie Vision 2020 du gouvernement ainsi que la Stratégie Nationale de Transformation (NST1) actuelle, vise à assurer la transition vers une économie des services : pour cela, elle soutient le développement des connaissances, l’investissement privé, le développement des entreprises régionales et internationales. La majorité de sa population vivant de la terre qu’elle cultive, le Rwanda a fait de la protection de l’environnement et de la gestion durable des ressources naturelles un levier important de cette stratégie : le Rwanda prévoit d’étendre l’agroforesterie à 85% du paysage agricole contre 25 % aujourd’hui, et ce, dans l’ensemble du pays.
Une croissance démographique qui fait pression sur le sol et les moyens de subsistance
Dans les zones rurales du Rwanda, la nécessité de fournir de la nourriture à une population croissante a conduit à des pratiques agricoles intensives. La pression démographique a lentement entraîné l’érosion des sols et un grave déclin de leur fertilité physique et chimique. À son tour, la productivité des exploitations agricoles a diminué, menaçant ainsi la sécurité alimentaire et les revenus des petits exploitants.
Cette forte croissance démographique a également entraîné une pénurie de terres : aujourd’hui, 70 % des exploitations ne font qu’un hectare ou moins, avec une superficie moyenne des terres de 0,6 hectare par ménage. Dans ce contexte, les agriculteurs ont été contraints de convertir leurs pâturages et espaces forestiers traditionnels en des terres agricoles. Une déforestation qui n’offre pas d’alternatives aux agriculteurs pour leurs besoins en bois de chauffage. Dans les villages, 67 % des femmes ramassent du bois de chauffage, dont un tiers provient de leur propre exploitation, tandis que 33 % des ménages doivent acheter du bois sur le marché pour couvrir leurs besoins.
Le rôle de l’agroforesterie pour améliorer les moyens de subsistance
Ce nouveau projet d’agroforesterie financé par Livelihoods au Rwanda parie sur une approche holistique pour aider les agriculteurs à relever les défis liés à l’érosion des sols, à la perte de fertilité et à la faible productivité de leurs terres. Le projet mettra en œuvre un modèle d’agroforesterie à grande échelle en impliquant 30 000 agriculteurs dans la plantation d’arbres et en les formant à l’agriculture durable pour les aider à restaurer leurs terres, améliorer la fertilité du sol et développer de nouvelles sources de revenus.
Le modèle Livelihoods permettra d’augmenter les rendements ainsi que la production alimentaire, notamment grâce à la plantation de 300 000 arbres fruitiers (principalement des manguiers et des avocatiers), pour la consommation des ménages mais aussi à des fins de commercialisation. Les agriculteurs participant au projet recevront également des plants d’arbres de grande valeur pour la production de bois d’œuvre et de bois de chauffage qu’ils pourront utiliser pour chauffer leurs maisons ou vendre sur les marchés locaux.
Conçu selon une approche paysagère qui permet de combiner plantation d’arbres, pratiques agricoles durables et restauration des terres, le projet sera mis en œuvre dans 240 villages des districts de Rulindo et de Bugesera.
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Un modèle fondé sur la solidarité et un meilleur accès au marché
Mis en œuvre par l’ONG locale ARCOS (Albertine Rift Conservation Society), le projet compte sur une forte mobilisation des communautés rurales pour restaurer les terres agricoles et surveiller la croissance des arbres sur toute la durée de vie du projet : 20 ans.
Engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique, et l’amélioration des écosystèmes naturels avec une grande implication des communautés rurales depuis sa création en 1995, ARCOS encouragera la solidarité entre agriculteurs en les intégrant dans les associations des Amis de la Nature (Friends for Nature Associations). Dans ce modèle d’associations, qui a déjà fait ses preuves par le passé, les agriculteurs vont acquérir du bétail, ce qui leur assurera une nouvelle source de revenus, et contribuera à augmenter la fertilité des sols. Grâce à une approche participative, ils s’engageront à offrir du jeune bétail aux nouveaux agriculteurs qui rejoindront l’association. Chacun des 240 villages impliqués dans le projet aura sa propre association.
Le modèle d’agroforesterie mis en place par le projet permettra également de créer des opportunités économiques pour les agriculteurs, via la production de fruits et légumes et un meilleur accès au marché. Dans le cadre de leur formation, ils recevront un kit de semences de légumes variés, destinés à leur propre consommation mais aussi pour leur permettre de vendre leur production sur les marchés locaux. Les agriculteurs se regrouperont en coopératives pour faciliter l’accès au marché : soutenu par les autorités locales, ARCOS jouera un rôle clé dans la mise en place de plateformes de vente en gros.
Dans le district de Rulindo, l’une des zones du projet, ARCOS a déjà identifié des opportunités de marché, par exemple avec l’usine de thé de Sorwathe, une entreprise familiale américaine présente dans la région depuis 1972. Produisant environ 12% du thé rwandais, le deuxième produit le plus exporté après le café, la marque a déjà exprimé un intérêt pour certains des produits agricoles qui seront plantés dans le cadre du projet, comme la citronnelle.
Restaurer la santé du sol pour préserver les ressources en eau
Au sommet des collines, le défi des petits exploitants est de restaurer la santé du sol afin d’améliorer la productivité des terres et de fournir davantage de nourriture à une population en pleine croissance. Mais au bas des collines, les pratiques intensives ont conduit à l’appauvrissement de la matière organique du sol, une forte érosion, qui menace à son tour la qualité des ressources en eau : les lacs, les rivières et les bassins versants en bas des collines.
Créant un effet domino, les fortes pluies et le ruissellement ont conduit à déverser les sédiments du sol dans les lacs et rivières. Les agriculteurs impliqués dans le projet adopteront des pratiques simples pour maintenir la matière organique dans le sol, limiter l’érosion et augmenter sa fertilité, ce qui permettra de préserver les ressources en eau. Ces pratiques consistent notamment à creuser des tranchées pour recharger les nappes souterraines et à maintenir un approvisionnement en eau durable pour les cultures, tout en protégeant le sol en contrebas de la colline contre l’érosion. La plantation d’un couvert végétal perpendiculairement à la pente permettra de réduire la quantité d’eau s’écoulant le long des collines, pour la maintenir sur les terres arables. Ce couvert servira également de nourriture pour le bétail. Enfin, la culture sur billons (cultures en rangées de petites buttes) permettra d’empêcher l’eau de s’écouler le long des sillons, pour conserver l’humidité du sol et prévenir l’érosion hydrique.
Crédits photo : ARCOS