Peut-on améliorer les revenus des agriculteurs tout en préservant la nature ? L’EXPÉRIENCE DES FONDS LIVELIHOODS À MADAGASCAR

À Madagascar, Livelihoods structure une chaîne d’approvisionnement en vanille de qualité avec 2 700 petits exploitants

Ingrédient phare dans l’industrie alimentaire (biscuits, glaces, pain ou encore utilisée pour parfumer les desserts), la vanille est également réputée dans l’industrie des parfums et des aromatiques. Avec son goût et son parfum uniques, la vanille est traditionnellement appelée « l’or noir », car elle est l’une des épices les plus chères au monde (deuxième après le safran). Mais paradoxalement, à Madagascar, qui contribue à plus de 50 % de la production mondiale de vanille, les petits exploitants qui la produisent sont loin de gagner de l’or. L’industrie de la vanille a historiquement souffert d’une forte spéculation, de taux élevés de vols dans les plantations et de comportements parfois mal intentionnés de certains intermédiaires. Les revenus des petits exploitants ont été par ailleurs affectés par le manque de pratiques efficaces pour optimiser la productivité de leurs exploitations ou pour améliorer la qualité de leur production.

Avec l’ambition d’inverser ce cycle de pauvreté, le Livelihoods pour l’Agriculture Familiale (L3F) a regroupé des acteurs du secteur privé et public, engagés et impliqués à chaque étape de la chaîne de valeur. Leur ambition commune ? Soutenir 2 700 petits exploitants de vanille sur 10 ans pour produire de la vanille de qualité, augmenter les revenus des agriculteurs et préserver les écosystèmes naturels autour des exploitations. Une ambition mise en œuvre par l’ONG locale Fanamby, une organisation reconnue qui travaille en direct avec les producteurs de vanille. Tous investisseurs et partenaires de Livelihoods, Danone, Mars et Firmenich se sont engagés à acheter la production de vanille du projet sur 10 ans.

Six ans plus tard, qu’est-ce qui a changé pour les agriculteurs ? Leurs revenus se sont-ils améliorés au même titre que la qualité et la quantité de vanille produite ?? Quel est l’impact du projet sur les écosystèmes naturels environnants ? Livelihoods publie une vidéo inédite du projet avec des témoignages d’agriculteurs bénéficiaires pour montrer ce qui a changé au niveau de leurs revenus, de la biodiversité, et quelles sont leurs attentes pour l’avenir (lien vers la vidéo).

« On avait beaucoup de vanilliers, mais la production était aléatoire. En fait, je cultivais sans savoir où j’allais. Je savais que l’on pouvait gagner de l’argent avec la vanille. Mais je ne savais pas comment m’y prendre”.

Raphael Théogène, producteur de vanille à Madagasar

Raphael Théogène & clic button

Le projet vanille de Livelihoods en bref :

Une coalition d’acteurs engagés à chaque étape de la chaîne de valeur pour soutenir les agriculteurs et la nature

Grâce à son fonds dédié pour l’agriculture familiale (L3F), Livelihoods a préfinancé les activités du projet et rassemblé une coalition d’agriculteurs, d’entreprises, d’ONG et d’institutions publiques. Danone, Firmenich et Mars se sont engagés à acheter la vanille produite par les exploitants du projet pendant 10 ans. Les activités sont mises en œuvre sur le terrain par Fanamby, une ONG malgache, mais aussi par Missouri Botanical Garden, une ONG de conservation de la biodiversité, et par Maisons Familiales Rurales, une association engagée dans l’éducation. Le projet est mis en œuvre dans le district de Soanierana Ivongo, dans la région d’Analanjirofo (nord-est de l’île).

Les activités économiques du projet sont cofinancées par l’Agence Française de Développement (AFD). Le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) est également impliqué pour soutenir la préservation de la biodiversité sur le site naturel de Pointe à Larrée.


Augmenter la productivité des exploitations agricoles grâce à des pratiques agricoles efficaces

La première initiative du projet était d’aider les agriculteurs à étendre leurs champs de vanille et augmenter les rendements grâce à un modèle agroforestier adapté. D’une part, les petits exploitants ont reçu de nouveaux plants de vanille provenant des pépinières du projet et de partenaires sélectionnés. D’autre part, les agriculteurs ont reçu des formations spécifiques afin d’acquérir les compétences techniques nécessaires à la production de vanille de qualité. Tous les agriculteurs ont suivi un cycle de formation basé sur trois étapes clé pour augmenter les rendements et améliorer la qualité de la vanille : ils ont été formés à la pollinisation (ils ont appris à polliniser le bon nombre de fleurs pour obtenir les gousses les plus longues possibles), à la gestion des parcelles (ils ont acquis les compétences nécessaires pour maintenir leurs champs propres car les plants de vanille sont très sensibles aux plantes environnantes, aux mauvaises herbes et à la couverture du sol) et au processus de collecte. Ces activités ont été conçues de manière à ce qu’un plus grand nombre de femmes et de jeunes puissent être intégrés dans la production de vanille que ce n’aurait été le cas en l’absence du projet.

À ce jour, tous les 2 700 agriculteurs impliqués dans le projet ont reçu des formations pour adopter des pratiques agricoles régénératives, dont 550 femmes. Grâce aux 300 000 lianes de vanille distribuées aux agriculteurs et aux formations qu’ils ont reçues, les volumes de vanille verte produits ont été multipliés par 3 en moyenne depuis le lancement du projet. Ces volumes vont continuer à croître car les lianes récemment plantées commencent à produire de la vanille, générant ainsi plus de revenus, l’objectif étant de multiplier la production par 5 de 2022 à 2027.

pollination
La pollinisation est une étape délicate qui nécessite précision, patience et compétences techniques.
cleaning vanilla plots
Des agricultrices qui veillent à la propreté de leurs parcelles afin de favoriser la croissance des lianes de vanille.

Une société gérée et détenue par les agriculteurs pour créer un lien direct avec le marché

Le projet a permis d’activer un levier important pour aider les agriculteurs à améliorer leurs revenus : les aider à accéder directement au marché, sans intermédiaires (la majeure partie de la production de vanille malgache est exportée). « Tambatra » est la société détenue par les agriculteurs qui a été structurée par les partenaires du projet, afin de supprimer les intermédiaires et d’aider les agriculteurs à tirer un meilleur profit de leur production. 20 associations d’agriculteurs ont été créées à ce jour : chacune des associations situées dans les villages de Manompana, Antanifotsy, Ambodiampana et Fotsialanana est chargée de collecter les gousses de vanille verte et de payer directement les agriculteurs. Une unité de préparation nouvellement créée est responsable de la préparation et de l’exportation de la vanille produite par les petits exploitants. Cette structure reçoit la vanille verte produite par les agriculteurs et assure le processus de séchage (les gousses vertes sont nettoyées, triées, séchées et classées en fonction de leur qualité – ce processus de séchage peut durer jusqu’à 6 mois).

Accompagnée d’une structure commerciale, Tambatra assure la traçabilité complète de la vanille, depuis la ferme jusqu’à l’industrie, et évalue la qualité avant l’exportation. La marge financière des ventes de vanille séchée revient aux agriculteurs et à la communauté grâce à une distribution directe, contribuant à augmenter leurs revenus, et d’une distribution indirecte telle que l’extension des pépinières, les investissements dans la société elle-même, l’accès à du riz subventionné, aider les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles efficaces et soutenir la gestion des associations d’agriculteurs.

Les gousses de vanille sont séchées au sein de la coopérative Tambatra
Des agricultrices trient les gousses de vanille selon leur niveau de qualité.
Des agricultrices préparent les bottes de vanillle.
Les colis sont prêts à l’export.

Un engagement d’achat sur 10 ans et un prix plancher pour limiter l’impact des fluctuations du marché

L’industrie de la vanille à Madagascar a historiquement été exposée à de fortes fluctuations de prix. Depuis le lancement du projet en 2017, le prix de la vanille a baissé de 3,5, après avoir augmenté les années précédentes. Afin de protéger les agriculteurs du projet, tous les partenaires impliqués ont décidé d’appliquer un prix plancher pour la vanille verte produite. Convaincus que la structuration de la chaîne d’approvisionnement nécessite des efforts à long terme, Mars (célèbre marque américaine de produits alimentaires, de confiserie et de soins pour animaux), Danone (multinationale alimentaire française) et Firmenich (la plus grande entreprise privée de parfums et d’arômes au monde) se sont engagés à acheter 100% de la vanille produite par les agriculteurs du projet sur une période de 10 ans.

Pour transformer le projet en une chaîne d’approvisionnement résiliente et à long terme, Tambatra, avec le soutien de Livelihoods, devra engager et réengager les acheteurs sur le long terme pour acheter cette vanille à haute valeur sociale et écologique. Il s’agit d’un élément clé pour la durabilité de cette entreprise agricole.

Diversifier les cultures pour contribuer à plus de sécurité alimentaire

La vanille représentant 40 % du revenu des ménages agricoles, le projet intègre désormais de nouvelles cultures vivrières pour soutenir la diversification des exploitations et contribuer à la sécurité alimentaire des fermiers et de leurs familles. Bien que la sécurité alimentaire reste un défi dans la zone du projet et à Madagascar, des groupes d’agricultrices de la zone du projet gèrent maintenant des jardins potagers pour contribuer à réduire les taux de malnutrition. Elles cultivent divers légumes pour nourrir leur famille ou pour les vendre sur les marchés locaux afin de soutenir le revenu du ménage.

Des groupes de femmes s’occupent des jardins potagers.
Les jardins potagers, vus d’en haut.
Les femmes chantent avec joie.

La diversification alimentaire fait également partie du programme de formation destiné à la nouvelle génération d’agriculteurs. En partenariat avec Maisons Familiales Rurales, une ONG locale qui œuvre consacrée à l’éducation, le projet a ouvert un centre de formation dédié à la préparation des jeunes agriculteurs à la production de vanille mais aussi à de nouvelles activités agricoles telles que la diversification des cultures, la production de clous de girofle ou l’élevage de volailles. En décembre 2021, le centre de formation a fêté ses premiers diplômés.

Dans le cadre du projet, un centre de formation a été ouvert pour former la nouvelle génération d’agriculteurs.

Politina Rasoamalala est une jeune diplômée du centre de formation qui aspire à produire de la vanille.

Préserver 2 700 hectares de biodiversité locale sur le site naturel de Pointe à Larrée

Des compétences techniques pour produire plus de vanille et de meilleure qualité, à la distribution des lianes, en passant par les efforts de diversification des cultures et une nouvelle chaîne d’approvisionnement engagée pour relier directement les agriculteurs au marché, le projet a activé une série de leviers pour contribuer à améliorer le revenu des agriculteurs. Parallèlement à ces efforts, une initiative clé du projet consiste à préserver 2 700 hectares de biodiversité à Pointe à Larrée, une zone naturelle protégée située autour du district de Soanierana Ivongo.

Le projet met en place une gouvernance communautaire pour gérer les activités de conservation, appliquer les lois sur la protection de la biodiversité et planter des espèces d’arbres indigènes pour protéger la zone des catastrophes naturelles. Comme les petits exploitants gagnent plus d’argent dans leurs propres fermes, ils sont de moins en moins tentés de participer à des activités destructrices dans la forêt. Regardez la vidéo du projet et admirez l’impressionnante Pointe à Larrée, qui est aussi l’habitat naturel des lémuriens.

Un lémurien à Pointe à Larrée qui observe la caméra.

REJOINDRE LE WEBINAR DU 4 AVRIL

Le 4 avril, de 13H00 à 15H00 CET, nous organisons un webinaire pour apporter des éléments de réponse à la question : « Peut-on améliorer le revenu des agriculteurs tout en préservant la nature ? » Nous partagerons les principaux enseignements tirés, analyserons les facteurs de réussite que nous observons à ce jour (6 ans après le lancement des projets), mais aussi les défis qui accompagnent la transformation des chaînes d’approvisionnement à grande échelle. Le webinaire se concentrera sur le projet de 10 ans de Livelihoods dans le secteur de la noix de coco aux Philippines, et sur le projet de vanille à Madagascar. Nous donnerons la parole à nos partenaires locaux, des représentants des secteurs privé et public, qui agissent au quotidien pour transformer durablement les deux chaînes d’approvisionnement.


[1] Madagascar a produit 3 070 tonnes de vanille en 2021 selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).