Pour des foyers de cuisson améliorés

RÉDUIRE EST TOUT AUSSI IMPORTANTE QUE RETIRER DES ÉMISSIONS CARBONE

Une décennie. Voici le temps dont dispose l’ensemble de l’humanité pour trouver des solutions qui permettent de limiter les effets dévastateurs du dérèglement climatique. Les débats récents sur le marché volontaire du carbone, qui ont établi que retirer des émissions carbone (retirer les émissions de gaz à effet de serre de l’atmosphère grâce à la plantation d’arbres par exemple) était plus efficace que de les éviter (réduire les émissions), sont en train d’évoluer. Dans le cadre de la lutte contre la crise climatique, l’initiative Science Based Targets (SBTi), qui accompagne plus de 4 000 entreprises et institutions financières pour réduire leurs émissions conformément à la science du climat, encourage désormais toutes les entreprises à prendre des mesures immédiates, au-delà des efforts de réduction réalisés au sein de leurs chaînes de valeur. Les projets de foyers améliorés qui contribuent à la lutte contre la déforestation sont l’une des nombreuses solutions qui contribuent à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Chez Livelihoods, en plus de nombreux projets de reforestation, d’agroforesterie et d’agriculture régénérative, nous investissons depuis 10 ans nous aidons les familles rurales à s’équiper en foyers améliorés, qui bénéficient leur santé et réduisent la déforestation et la dégradation des forêts.  Car la réalité est que les habitants des zones rurales des économies émergentes dépendent du bois ou du charbon de bois pour nourrir leurs familles. Et que les fumées nocives dégagées par les fourneaux traditionnels et inefficaces tuent près de 4 millions de personnes chaque année.

Est-il plus efficace de fournir un accès à des fourneaux de haute technologie, comme le gaz ou l’électricité, à 10% des familles rurales qui peuvent se le permettre ? Ou d’équiper 90 % d’entre elles avec des fourneaux propres qui réduisent la consommation de bois jusqu’à 60 % ? Est-il plus durable de planter un nouvel arbre ou d’éviter d’en couper un ? La réalité se trouvant sans doute quelque part entre les deux, nous avons une conviction : les technologies des foyers améliorés doivent être adaptées aux contextes locaux et offrir aux communautés locales de nouvelles opportunités économiques en plus de préserver la santé et les forêts.

De nombreuses familles rurales dépendent encore des forêts pour nourrir leurs familles

Dans les zones rurales de la plupart des pays en développement, les populations dépendent encore fortement des combustibles solides tels que le bois et le charbon de bois pour cuire leurs aliments. Au total, 2,6 milliards de personnes dépendent cuisent leurs aliments sur des feux ouverts « à trois pierres » ou sur des poêles inefficaces qui exercent une pression croissante sur les forêts et les terres boisées restantes. Dans les zones rurales du Kenya, par exemple, un ménage consomme en moyenne entre 5 et 12 kg de bois par jour, ce qui représente une quantité importante mais nécessaire lorsqu’on utilise des méthodes de cuisson traditionnelles. Les femmes consacrent plusieurs heures de dur labeur par jour à aller chercher du bois, qu’elles récoltent dans des réserves naturelles, des forêts ou des parcs, qui se trouvent à plusieurs kilomètres de distance à pied. Elles reviennent au village avec portant une vingtaine de kilos de bois sur le dos, quand et si le bois est disponible. Car dans d’autres régions, comme dans les villages du nord du Sénégal, il arrive que les femmes reviennent les mains vides, en raison d’un fort taux de déforestation.

Des villageoises qui transportent 20 kilos de bois provenant des forêts environnantes
…et qui retournent au village (comté d’Embu, Kenya)

La cuisson inefficace des aliments nuit aux forêts et au climat…

Il est illusoire de croire que des solutions alternatives comme le gaz ou l’électricité seront bientôt accessibles à la plupart des familles rurales. Dans de nombreux pays africains où les villes se développent rapidement en raison d’une forte pression démographique, le bois reste une source d’énergie essentielle et sa demande n’a cessé d’augmenter au cours des 30 dernières années. Le bois de chauffage représente l’essentiel de la consommation en énergie des ménages. Le gaz ou l’électricité n’étant accessibles que lorsqu’ils sont subventionnés par le gouvernement, le bois reste de loin la source d’énergie la plus utilisée dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. En réalité, la demande en bois comme combustible représente près de la moitié des arbres retirés des forêts mondiales et plus des trois quarts en Afrique et en Asie.

En plus d’exercer une pression sur les forêts, les feux ouverts traditionnels sont inefficaces, car le bois ou autres combustibles solides tels que le charbon de bois, les résidus de récolte ou le fumier, ne brûlent pas efficacement et émettent des fumées toxiques. Ces fumées toxiques comprennent des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2) et autres polluants atmosphériques comme le carbone noir. Communément appelé suie, le carbone noir est le deuxième plus grand contributeur au changement climatique après le CO2.

Cuisine traditionnelle à feu ouvert et fumées toxiques dans une maison rurale du comté d’Embu, au Kenya.

… et sont la cause de 4 millions de décès prématurés par an

Inefficient stoves also expose the whole household to air pollution, as the thin particles of the black carbon and other toxic gases can easily find their way deep into lungs and the bloodstream. The inhalation of such particles causes diseases such as childhood pneumonia, chronic obstructive pulmonary disorder, heart disease, stroke, and lung cancer. And the numbers are alarming: every year, up to 4 million premature deaths worldwide are caused by household air pollution from inefficient cooking, lighting, and heating.

Exposure to household air pollution also directly affects pregnant women and their infants. According to the Clean Cooking Alliance [5] when pregnant women are exposed to household toxic smokes, their infants are at increased risk for stillbirth, low birth weight and decreased lung function. In sub-Saharan Africa and Asia, 450,000 children under 5 years old die prematurely, each year.

Les foyers améliorés peuvent sauver des vies et des arbres

Au cours des dernières décennies, il a été prouvé que les fourneaux améliorés ont un impact positif direct sur la santé des femmes et de leurs familles, car ils réduisent considérablement les émissions de fumées toxiques. La Clean Cooking Alliance mentionne des améliorations avérées sur la santé telles que : la réduction des cas de pneumonie grave chez les jeunes enfants, la réduction de la durée des infections respiratoires chez les enfants, la baisse de la pression artérielle chez les femmes enceintes, l’augmentation du poids et de l’âge gestationnel à la naissance.

L’expérience terrain de Livelihoods montre que les foyers améliorés permettent de réduire la consommation de bois de chauffage jusqu’à 60%, un point critique surtout dans les zones qui souffrent de désertification. Le projet de Livelihoods mis en œuvre au Kenya est situé autour du Mont Kenya, le deuxième plus haut sommet d’Afrique qui culmine à 5 200 mètres. Cette région montagneuse est un bassin versant essentiel non seulement pour la population qui vit autour, mais aussi pour tout le pays ainsi que l’Afrique de l’Est. Grâce aux fourneaux efficaces du projet, il y a moins de pression sur le parc national qui protège la zone la plus élevée des montagnes, les agriculteurs récoltent et ramassent moins de bois dans leur ferme ou aux alentours, et cela contribue à réduire l’érosion des sols.

Mis en œuvre dans le comté d’Embu depuis 2014 et dans le comté de Tharaka Nithi depuis 2019, le projet Livelihoods-Hifadhi au Kenya rencontre un grand succès, les familles rurales ayant été équipées en fourneaux améliorés. 120 000 foyers en bénéficient à ce jour, ce qui permet d’améliorer le quotidien de plus de 500 000 personnes. À ce jour, les foyers améliorés ont permis de sauver l’équivalent de plus de 60 000 arbres par an. Lorsqu’une famille s’inscrit au projet, non seulement elle reçoit un poêle propre, mais elle est formée à son utilisation et à son entretien, ainsi qu’aux pratiques culinaires et aux aspects nutritionnels fondamentaux.

En outre, toutes les familles reçoivent des plants d’arbres à planter dans leur ferme ou à proximité. Au total, 360 000 arbres ont été plantés grâce au projet, soit l’équivalent de 450 hectares de forêt. Dans la région très sèche du Nord du Burkina Faso, où le bois est rare, les fourneaux efficaces distribués à 30 000 ménages dans le cadre du projet Livelihoods-Tiipaalga permettent d’économiser plus de 45 000 arbres par an et de réduire de 60 % la consommation de bois à usage domestique.

Il n’existe pas de technologie « universelle » : le modèle de foyers améliorés doit être adapté aux contextes locaux

Équiper les familles rurales de fourneaux propres est une chose. Mais adapter le bon type de technologie et/ou de matériel aux réalités locales, comme le niveau de revenu de la famille, en est une autre. Livelihoods soutient plus de 300 000 ménages au Pérou, au Burkina Faso, au Kenya, au Malawi et au Népal. Mais les fourneaux distribués sont toujours produits localement dans ces pays et génèrent des emplois pour les communautés qui en bénéficient.

Au Burkina Faso, un modèle adapté à un taux de pauvreté élevé

En 2014, avec l’ONG locale Tiipaalga, Livelihoods a lancé une initiative sur 10 ans au Burkina Faso pour équiper 30 000 familles rurales de foyers améliorés. Dans cette région du monde qui souffre fortement de la pauvreté, notamment pendant la saison sèche, les foyers sont fabriqués à partir d’ingrédients d’origine locale tels que le fumier, la paille, l’eau et l’argile. Ils sont facilement accessibles aux ménages ruraux, et ce gratuitement. Grâce aux équipes de terrain de l’ONG Tiipaalga, les fourneaux sont parfaitement adaptés au contexte local : ils réduisent la consommation de bois de 60% dans cette région aride où la désertification s’accélère, et diminuent les émissions de fumées toxiques.

Dans les provinces de Bam et Loroum, où se situe le projet Livelihoods, les femmes cuisinent souvent pour une grande famille de 10 à 15 personnes. C’est pourquoi elles ont construit plusieurs fourneaux, proches les uns des autres et peints de leurs propres mains. Les fourneaux sont installés à l’extérieur de leurs maisons qui sont ainsi protégées des fumées.

Des fourneaux efficaces et colorés, placés en rang à l’extérieur des maisons pour nourrir toute la famille (Burkina Faso)

De plus, les familles rurales sont formées pour construire leurs propres fourneaux et les distribuer dans les villages, contribuant ainsi à la création d’emplois. Comme les fourneaux améliorés consomment moins de bois, les familles dépensent moins d’argent pour acheter du bois de chauffage et peuvent donc utiliser cet argent pour subvenir à d’autres besoins du foyer. Les ménages économisent entre 50 et 100 euros par an, qu’ils utilisaient auparavant pour acheter du bois de chauffage.

Des villageois construisent un foyer amélioré avec des matériaux locaux au Burkina Faso

Au Kenya, au Népal et au Malawi, les fourneaux améliorés créent de l’emploi

Au Kenya, au Népal et au Malawi, les fourneaux propres sélectionnés par Livelihoods sont tous construits par des petites entreprises et/ou des artisans locaux. Au cours des dix dernières années, dans le comté d’Embu, au Kenya, Livelihoods a aidé 120 000 familles en les équipant en fourneaux efficaces, fabriqués pour la plupart à partir de pièces de métal et de céramique d’origine locale. Le projet et les foyers eux-mêmes sont appelés « Hifadhi », qui signifie « préserver » en swahili, la langue locale. Ils sont très économes en énergie grâce à un revêtement en céramique qui améliore la combustion et conserve la chaleur plus longtemps pendant la cuisson. L’utilisation de ces fourneaux a un impact positif sur la santé des bénéficiaires qui sont moins exposés aux fumées toxiques. Les fourneaux génèrent également de l’emploi, pour les distribuer, les entretenir ou les remplacer lorsque c’est nécessaire.

Des ambassadeurs locaux sont chargés de la promotion et de la vente des fourneaux. Ils sont responsables de la formation des utilisateurs et s’assurent qu’ils restent fonctionnels. Au total, environ 150 emplois directs et indirects ont donc été créés et 150 autres le seront au cours des 10 prochaines années du projet. De plus, un récent audit de terrain réalisé dans la zone du projet a mis en évidence que 80% des ambassadeurs et 72% des artisans sont des femmes.

Des villageoises formées pour construire des foyers améliorés au Malawi.

Au Malawi, 270 emplois seront également directement créés ou soutenus pour la distribution d’un total de 60 000 fourneaux efficaces dans les villages. Au Népal, un projet récemment lancé avec l’ONG locale Practical Action permettra de créer plus de 450 emplois directs et indirects pour la distribution de 75 000 fourneaux.

Globalement, dans toutes les zones géographiques où Livelihoods opère avec des partenaires locaux, la vie quotidienne des femmes est considérablement améliorée. Comme moins de bois est nécessaire pour cuisiner, les femmes économisent environ 2 à 3 heures par jour sur les activités de collecte de bois et/ou économisent de l’argent sur l’achat de bois de chauffage. Elles peuvent ainsi consacrer plus de temps à d’autres activités tandis que leurs enfants (souvent leurs filles) ont plus de temps pour aller à l’école.  

Quelles conditions pour mettre en œuvre des projets de foyers améliorés ?

1. Atteindre les villages et les familles isolées

Il s’agit d’équiper les ménages qui n’ont pas accès aux énergies alternatives, qui sont déconnectés et éloignés des villes, et qui dépendent directement des ressources naturelles pour nourrir leurs familles. Il s’agit de fournir aux villages « du dernier kilomètre » des solutions de cuisson qui améliorent leur santé et préservent leur environnement. Pour Livelihoods, cela représente 120 000 familles équipées de fours efficaces au Kenya, 30 000 au Burkina Faso, mais aussi 30 000 au Pérou, et bientôt 60 000 au Malawi (près de 40 000 familles équipées à ce jour) et 72 000 au Népal (projet lancé fin 2022). Chacun de ces fourneaux est tracé, porte le nom de la propriétaire, et est donc lié à une famille bien précise.

2. Mesurer l’efficacité des fourneaux sur 10 ans

La mission des fonds Livelihoods est d’atteindre les ménages isolés qui ne pourraient bénéficier des foyers améliorés en l’absence de projet et s’appuie sur des groupes de femmes bien organisés pour sensibiliser aux impacts sanitaires et environnementaux des foyers traditionnels, et qui présentent les avantages et le fonctionnement des nouveaux foyers. Lorsque les femmes sont convaincues de ces impacts positifs, elles expriment leur volonté de s’en procurer un, et quelques semaines plus tard, des représentants du projet viennent dans les villages pour distribués les foyers commandés. Chaque foyer distribué grâce au modèle des Fonds Carbone Livelihoods, est tracé, son efficacité ainsi que son impact carbone sont mesurés. Sur une période de 10 ans, l’efficacité et l’utilisation des poêles propres sont mesurées chaque année, et les crédits carbone générés sont remis à nos partenaires investisseurs.

3. Un engagement fort de la part de nos partenaires locaux, malgré des contextes politiques complexes

Parfois, accéder aux familles les plus isolées demande des efforts considérables dans des contextes politiques complexes. Dans le terrible contexte des attaques djihadistes qui terrorisent le pays depuis 2015 et le nord du Burkina Faso (où le projet est mis en œuvre) depuis 2018, les équipes de Tiipaalga agissent avec courage et ténacité pour poursuivre les activités du projet. Évitant les zones à trop grand risque, gardant le contact avec les habitants du Bam et du Loroum et soutenant leurs équipes, elles ont fait les meilleurs efforts pour maintenir les activités du projet.


[1] L’initiative Science Based Targets (Objectifs Fondés sur la Science) a été lancée en 2015 par le CDP (Carbon Disclosure Project), le Pacte mondial des Nations Unies, le World Resources Institute (WRI) et le Fonds Mondial pour la Nature (WWF). Son objectif est d’aider les entreprises à fixer des objectifs de réduction des émissions de carbone en accord avec les preuves apportées par la science du climat. Après s’être concentrée sur les initiatives « Corporate Net-Zero » (au sein de la chaîne de valeur de chaque entreprise), la norme encourage, depuis septembre 2022, toutes les entreprises à prendre des mesures immédiates au-delà de leurs chaînes de valeur et à soutenir les activités qui évitent/réduisent ou suppriment les émissions carbone. En savoir plus sur le SBTi qui s’est imposé comme une voix faisant autorité et une référence dans le secteur du climat : https://sciencebasedtargets.org/

[2] Source : Organisation Mondiale de la Santé, 2018: https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/household-air-pollution-and-health

[3] Climate Pal (EcoAct) : https://forestindustries.eu/content/clean-cook-stoves-promote-sustainability-local-resources

[4] Source : https://europa.eu/capacity4dev/articles/replacing-traditional-cooking-stoves-gas-stoves-transforming-lives

|5] La Clean Cooking Alliance est une organisation à but non lucratif qui agit avec le soutien des Nations unies pour promouvoir les technologies de cuisson propres dans les pays en développement : https://cleancooking.org/

[6] Source, donnée sur la santé publiées par la Clean Cooking Alliance: https://cleancooking.org/wp-content/uploads/2022/05/CCA-Health-Factsheet-ENGLISH.pdf

|7] Estimations faites avec des arbres d’environ 10m de hauteur et 30cm de diamètre.