Accompagner les agriculteurs pour régénérer les sols et la biodiversité

Livelihoods investit pour la première fois en Europe pour accélérer la transition de 11.000 hectares à l’agriculture régénératrice

Aux quatre coins du monde, l’agriculture est en pleine mutation. Et pour cause, le secteur doit faire face à un enjeu de taille : comment nourrir une population mondiale qui atteindra 10 milliards d’individus d’ici à 2050 tout en préservant notre capital naturel ? Depuis leur création, les fonds d’investissement Livelihoods ont concentré leurs efforts sur les petits producteurs des pays émergents. Si la priorité dans ces pays est d’augmenter les rendements, nourrir une population croissante [1], tout en restaurant des écosystèmes fragiles, repenser les modèles agricoles est aussi urgent et complexe dans les pays développés. Les modèles intensifs généralisés ces dernières décennies ont permis d’augmenter fortement les rendements. Mais ils ont généré avec eux une dégradation des terres, une perte massive de la biodiversité et un sol qui n’arrive plus à se régénérer. Ces modèles sont à bout de souffle.

Comment restaurer la santé du sol ? Est-il possible de coupler productivité et préservation de la biodiversité ? Comment réinventer une relation durable entre l’agriculteur et la nature ?

Livelihoods mise sur l’agriculture régénératrice. Une approche innovante fondée sur des pratiques agricoles qui permettent de restaurer la santé du sol, d’augmenter la biodiversité et capturer le carbone, tout en maintenant les rendements. Le Fonds Carbone Livelihoods (LCF2) investit aujourd’hui dans un premier projet en Europe : convertir 11.000 hectares à des pratiques agricoles régénératrices en région Bretagne, France, pionnière dans la démarche. Mené en partenariat avec la Région Bretagne, la Chambre d’Agriculture Régionale et l’Association locale Sols d’Armorique, le projet « Sols de Bretagne » permettra d’accompagner une centaine d’agriculteurs dans la transition vers une agriculture régénératrice. Ainsi que de séquestrer 140 000 tonnes de CO2 en 10 ans.

Réinventer une agriculture performante et durable : la transition est en marche en Bretagne

Première région agricole en France et troisième en Europe, la Bretagne a mis l’agroécologie au cœur de sa stratégie économique, sociale et environnementale. Il y a une vingtaine d’années, c’est dans le département du Finistère qu’une poignée d’agriculteurs motivés pour restaurer la santé du sol, se sont lancés dans une nouvelle approche : l’agriculture régénératrice. Aussi appelée agriculture de conservation car son objectif principal est de conserver les propriétés organiques du sol, l’agriculture régénératrice est un modèle de production agroécologique qui place la restauration du sol au cœur du système. Elle repose sur des pratiques agricoles dont l’objectif premier est de régénérer les sols, autrement dit d’augmenter leur teneur organique pour en améliorer la fertilité.

Cette approche, encore marginale en France est tout de même en croissance : on estime que 4% des agriculteurs français pratiquent l’agriculture régénératrice. En savoir plus sur l’agriculture régénératrice.

Le projet « Sols de Bretagne » : aider 100 agriculteurs à réussir le défi de l’agriculture régénératrice

Le projet vise à passer à une plus grande échelle : accélérer la transition 11.000 hectares à l’agriculture régénératrice sur 10 ans et accompagner les agriculteurs prêts à s’engager dans la transition. Le projet s’adresse à des agriculteurs situés dans les quatre départements bretons (Finistère, Côtes d’Armor, Morbihan, l’Ille-et-Vilaine). Ouvert aux productions végétales (céréales, légumes, etc.) tout comme aux productions animales, il s’adresse aux fermes de la région quelle que soit leur taille (la moyenne régionale est de 53 hectares).

Le projet contribuera également à former et accompagner une jeune génération d’agriculteurs. Un enjeu socio-économique prioritaire dans la région au vu des nombreux départs à la retraite prévus dans les 10 prochaines années (en France, 50% d’agriculteurs partiront à la retraite d’ici dix ans [2].

Accompagner chaque agriculteur pendant la phase de transition

Réussir la transition vers l’agriculture régénératrice implique de repenser entièrement la gestion de son exploitation. Le premier objectif du projet est donc d’accompagner les agriculteurs avec la formation et les outils nécessaires pour y arriver. L’accent sera mis sur l’échange et le partage d’expérience entre les agriculteurs engagés dans le projet qui s’appuiera sur le savoir-faire développé par le groupe d’agriculteurs pionniers depuis plusieurs années.

Les agriculteurs pourront ainsi se former avec leurs pairs sur les trois piliers fondamentaux de l’agriculture régénératrice : la réduction du travail du sol (réduction du labour et baisse des opérations de préparation du sol), la couverture permanente du sol (couverture végétale pour nourrir le sol en continu), la diversification des rotations de cultures pour régénérer la biomasse du sol et augmenter sa fertilité.

Exploitation de M. Jacques Simon à Plouider dans le Finistère et pionnier de l’agriculture régénératrice : installé depuis 1991, M. Simon est à la tête d’une exploitation de 160 hectares avec 150 truies. Depuis 2009, il a progressivement adopté les principes de l’agriculture régénératrice, avec l’arrêt du labour sur ses champs de maïs et de blé, la mise en place de couverts végétaux et la diversification des rotations de cultures avec l’intégration de colza et de féverole.

Un partenariat public – privé innovant pour accompagner les agriculteurs

Le projet « Sols de Bretagne » repose sur un modèle d’investissement unique. Il réunit un fonds d’investissement à impact privé – le Fonds Carbone Livelihoods (LCF2), la Région Bretagne, la Chambre Régionale d’Agriculture et l’association locale « Sols d’Armorique » qui regroupe un réseau d’agriculteurs et techniciens passionnés par l’agriculture régénératrice et désireux de se regrouper pour partager de nouvelles pratiques. L’association mobilisera son réseau présent dans toute la région pour recruter les agriculteurs du projet.

Livelihoods et la Région Bretagne investissent à part égale dans le projet sur 10 ans. Cet investissement qui s’élève à six millions d’euros, permettra d’une part d’apporter une aide financière qui sera versée directement aux agriculteurs. Renforçant leur démarche entrepreneuriale, ces derniers seront libres d’investir dans la gestion de leur exploitation en fonction de leurs besoins (acquisition d’équipement, prise de risque…) Cette aide vise également à récompenser leurs services environnementaux.

D’autre part, cet investissement permettra de financer l’accompagnement technique, et les formations nécessaires pour réussir la transition. Les agriculteurs seront guidés par des conseillers agricoles et des techniciens pour établir un diagnostic de leur ferme, structurer leur projet (par exemple définir quelles rotations de cultures) et mettre en place les pratiques adaptées aux réalités de leur exploitation.

Sur les 5 premières années du projet, la phase de transition, la Région et Livelihoods s’engagent à rémunérer les bénéficiaires annuellement à hauteur de 80€ par hectare puis à hauteur de 46€ par hectare sur les 5 années suivantes, pour maintenir les pratiques. Le Fonds Carbone Livelihoods mesurera également chaque année le carbone stocké dans le sol ainsi que la réduction des émissions carbone grâce à la réduction de la consommation de carburant et à la réduction des engrais chimiques.

Formation assurée par des membres de l’association Sols d’Armorique
Des bénéfices pour le sol, la biodiversité et pour … les agriculteurs

Le projet vise à généraliser les bénéfices observés ces 10 dernières années par les agriculteurs pionniers. L’agriculture régénératrice a permis de recréer de la biomasse, rendre les sols plus fertiles, et maintenir les rendements. Ce modèle permet en effet de recréer de la matière organique qui stimule la biodiversité du sol et aérienne.

Le carabe, un insecte qui se déplace très rapidement dans le sol et contribue à le débarrasser de nombreux parasites.

Des mesures précises ont été effectuées pendant plusieurs années dans les fermes bretonnes engagées dans l’agriculture régénératrice. Elles ont permis de montrer que le nombre de vers de terre a plus que doublé. La population d’insectes auxiliaires bénéfiques à la santé du sol a quant à elle été multipliée par cinq. Cette richesse organique permet à son tour d’améliorer les propriétés de rétention et de filtration de l’eau dans le sol.

Sur le plan économique, l’agriculture régénératrice permet de réduire les coûts de production avec l’abandon du labour, la simplification du travail du sol, la réduction des intrants au strict minimum. Dans ce modèle, les tracteurs puissants et très coûteux en investissement et en fonctionnement ne sont plus nécessaires. Les fermes ayant adopté ce modèle ont généralement augmenté leur marge. Les résultats observés sur plusieurs années montrent que les rendements se maintiennent au niveau de l’agriculture conventionnelle ou proches de celle-ci. Si bien qu’avec des coûts de production abaissés, l’agriculteur peut augmenter son revenu à prix de marché constant.  

Par ailleurs, dans une profession où les journées de travail sont souvent longues, le modèle d’agriculture régénératrice permet de réduire le temps de travail consacré aux cultures. Ce temps libéré peut ainsi être réinvesti dans la gestion de la ferme et/ou dans un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La transition vers l’agriculture régénératrice permet ainsi de créer des conditions de travail plus attractives notamment pour les jeunes générations d’agriculteurs qui aspirent à un meilleur équilibre de vie et à des revenus plus élevés.

Gérer sa ferme comme un écosystème vivant est certes plus complexe. Mais elle apporte aussi beaucoup de satisfactions. Les témoignages des agriculteurs engagés dans cette démarche sont unanimes sur la fierté retrouvée pour un métier revalorisé permettant de produire tout en préservant la nature. Une source de motivation supplémentaire pour les agriculteurs qui s’installent. Cette approche nécessite une connaissance fine et un très bon savoir-faire. Seul face à des apprentissages qui peuvent être parfois décevants, l’agriculteur peut se décourager et revenir aux pratiques conventionnelles. C’est pourquoi le projet Livelihoods prévoit un accompagnement pendant toute la durée de la transition.

Une approche territoriale ancrée dans la transition environnementale et économique de la région

Développer en Bretagne une agriculture respectueuse de l’environnement est d’autant plus important que cette région française située à la pointe Ouest de l’Europe est à la fois une très grande région touristique et une région où l’activité agricole et les industries agro-alimentaires sont extrêmement puissantes. 

La réputation internationale des paysages côtiers et des activités touristiques de la Bretagne n’est plus à faire. Réussir une cohabitation harmonieuse entre le tourisme et le secteur agro-alimentaire, deux secteurs fortement pourvoyeurs d’emplois, est donc un enjeu stratégique pour cette région.  La Région Bretagne s’est fixée comme priorité d’accompagner la nécessaire transition des exploitations agricoles. Elle a donc mis en place un réseau de fermes pilotes et soutient un réseau d’agriculteurs engagés dans des pratiques agricoles permettant de régénérer les sols, la biodiversité et la qualité des eaux. Elle mobilise pour cela trois types d’accompagnement : les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) qui concernent la polyculture, l’élevage ou les grandes cultures, la conversion en agriculture biologique et l’aide à l’acquisition d’équipements spécifiques (investissements agro-environnementaux)[3].

Le projet pourrait encourager d’autres régions en France à répliquer ce modèle. Au-delà de son propre réseau d’agriculteurs, l’association Sols d’Armorique mobilisera également le réseau de l’APAD (Association pour la Promotion d’Agriculture Durable) qui regroupe plus de 1 000 agriculteurs en 13 associations régionales [4].

Saint-Malo, principal port de la Côte nord de Bretagne

[1] D’après la FAO, 700 millions de personnes en zone rurale dans le monde vivent dans des conditions d’extrême pauvreté :

[2] Source : https://www.msa.fr/lfy

[3] En savoir plus sur la politique agroécologique de la région.

[4].Née de la volonté des agriculteurs à adopter un système agricole le plus abouti pour préserver la santé du sol, l’APAD vise à contribuer à la prise de conscience des enjeux liés à la restauration des sols et à accompagner les agriculteurs dans leur démarche.