Vers une chaîne de valeur de la vanille plus résiliente:
LE POINT DE VUE DE NOS PARTENAIRES

Dans le nord-est de Madagascar, la transition vers une filière vanille qui associe gousses de qualité et amélioration des revenus des agriculteurs est en bonne voie. Le projet de Livelihoods lancé il y a 5 ans témoigne de résultats encourageants en matière d’amélioration des revenus des agriculteurs, de structuration d’une filière transparente et d’une meilleure implication des femmes et des jeunes dans le secteur. Le projet repose sur l’engagement d’une coalition d’acteurs publics et privés qui ont uni leurs forces pour transformer une industrie économiquement fragile. Le Fonds Livelihoods pour l’agriculture familiale (L3F) a réuni Danone, Mars (par l’intermédiaire de son fournisseur Prova), Firmenich, l’Agence française de développement (AFD) et l’ONG locale Fanamby, parmi d’autres ONG locales partenaires, pour embarquer 3 000 petits exploitants et leurs familles dans cette initiative de transformation sur 10 ans.

Quel est le point de vue de nos partenaires sur les réalisations du projet à ce jour ? Quels sont les principaux enseignements, les défis rencontrés et les signaux positifs pour l’avenir ? Dans cette interview, la parole est à Eric Nicolas, Directeur des Opérations chez Firmenich.

Livelihoods Venture : Firmenich est très impliqué dans ce projet de transformation depuis son lancement en 2015. Comment positionnez-vous cette initiative dans la stratégie d’approvisionnement de l’entreprise ?

« Notre principal défi commercial est de s’approvisionner en vanille de haute qualité et durable, pour répondre à une demande croissante de nos clients et à terme des consommateurs. Le projet Livelihoods fait partie de la stratégie d’approvisionnement de Firmenich qui vise à garantir un approvisionnement en vanille stable et à long terme : cela se traduit par notre engagement sur 10 ans à soutenir une large communauté de petits exploitants agricoles.

Avec le projet Livelihoods, nous sommes clairement dans une démarche de qualité et de durabilité. Nous avons ici un exemple parfait de chaîne d’approvisionnement résiliente et transparente, avec une grande valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes. Le modèle du projet garantit un prix équitable pour les petits exploitants, plus de traçabilité et de transparence pour le consommateur final. Ceci est particulièrement important, car dans le cas des collecteurs de vanille à grande échelle, il est très complexe de s’assurer que les revenus générés reviennent directement aux agriculteurs et à leurs familles. Nous pourrions dire que le projet Livelihoods est un « havre de paix » dans une industrie très complexe et qui a souffert de la corruption. »

LV : 5 ans plus tard, quels sont les principaux objectifs atteints par Firmenich dans ce projet ?

« Nous travaillons activement pour contribuer à améliorer les conditions de vie de plus de 2 500 petits exploitants agricoles et leurs familles à ce jour, l’objectif étant d’atteindre 3 000 avant 2027. Le project leur apporte des compétences techniques et une formation aux pratiques agricoles durables. L’une des principales réalisations à ce jour, est la structuration d’une coopérative, appelée Tambatra, qui a été fondée et gérée par les agriculteurs eux-mêmes. Aujourd’hui, Tambatra regroupe 20 associations d’agriculteurs, ce qui leur a permis d’améliorer considérablement leurs conditions de travail.

Au total, nous avons réussi à améliorer les moyens de subsistance de plus de 10 000 personnes, des agriculteurs et agricultrices mais aussi des jeunes. Le projet a permis de proposer des formations aux jeunes agriculteurs et d’améliorer l’intégration des femmes dans la production de vanille et sur des fonctions plus stratégiques. L’ouverture d’une école agricole dans la zone du projet est une grande fierté collective et une victoire pour les jeunes générations. Sur le plan environnemental, nous avons réussi à adopter des pratiques agricoles plus durables qui incluent la santé des sols entre autres pratiques, pour coupler résilience de la culture de vanille et préservation d’un écosystème naturel unique. Le projet va également aider les agriculteurs à diversifier leurs cultures et leurs sources de revenus, comme la production de volaille, la production de riz ou de girofle ».

LV : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

« Il y a un sujet économique délicat, très spécifique au secteur de la vanille : les agriculteurs sont très dépendants des fluctuations du prix de la vanille. Lorsque les prix du marché sont élevés, ils sont motivés pour produire de la vanille. Mais lorsque ceux-ci baissent, ils sont tentés de cultiver d’autres produits. Diversifier la production et donc la source de revenus est nécessaire mais complexe. Les formations des agriculteurs et l’école agricole ont un rôle clé à jouer pour mieux les soutenir dans cette démarche de diversification.

Un autre défi est bien sûr la pauvreté rurale qui peut entraîner des ruptures d’approvisionnement en vanille de haute qualité. Parfois, lorsqu’ils manquent de liquidités, les agriculteurs sont poussés à récolter la vanille trop tôt, avant que les gousses n’atteignent leur maturité. Cela impacte la qualité de la vanille, conduit à une mauvaise récolte et à une baisse des revenus. Les agriculteurs sont par ailleurs fragilisés par le prix de la vanille qui a été très volatile ces dernières années, en raison d’une forte spéculation et de vols massifs dans leurs propres parcelles.

A Madagascar, la filière est également fragilisée à cause d’événements climatiques extrêmes tels que les cyclones (ex : le cyclone Enawo qui a touché l’île en 2017) qui peuvent fortement mettre en péril les cultures. Le paradoxe de Madagascar est que de nombreuses cultures peuvent prospérer grâce à des écosystèmes riches en biodiversité. Pourtant, les agriculteurs sont enfermés dans la pauvreté. »

LV : Quels sont les principaux enseignements du projet qui pourraient profiter aux initiatives de transformation des chaînes d’approvisionnement avec les communautés rurales dans d’autres géographies ?

« Voici une question complexe car chaque écosystème et chaque biomasse ont leurs propres caractéristiques. Mais par exemple, l’approche micro-ferme avec les petits exploitants, où nous nous concentrons sur la gestion de l’exploitation, la façon dont nous pouvons promouvoir la diversification et le revenu des agriculteurs est intéressante à reproduire. Nous avons réussi à produire de la vanille avec des compétences clé et un réel savoir-faire. L’approche est assez holistique, car le projet permet d’adopter des pratiques agricoles durables au bénéfice des écosystèmes naturels environnants avec une forte expertise agronomique. C’est une leçon clé que nous tirons et un modèle technique à reproduire dans d’autres régions.

Sur le plan social, nous avons réussi à embarquer et à impliquer les femmes dans la production de vanille et la gestion des organisations agricoles. Les femmes ont une vision durable et entrepreneuriale forte et une approche raisonnable de la gestion des ressources, qui ne peut que mieux répondre aux besoins des ménages.

La traçabilité est bien sûr un apprentissage clé. Dans les années à venir, cette traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement sera encore plus importante pour mieux répondre à la demande des consommateurs, garantir un prix équitable et l’accès au marché à ceux qui travaillent dur sur le terrain : les agriculteurs ».