Vers une chaîne de valeur de la vanille plus résiliente à Madagascar :
Le point de vue de notre partenaire local, l’ONG Fanamby

Dans le nord-est de Madagascar, la transition vers une filière vanille qui associe gousses de qualité et amélioration des revenus des agriculteurs est en bonne voie. Le projet de Livelihoods lancé il y a 5 ans témoigne de résultats encourageants en matière d’amélioration des revenus des agriculteurs, de structuration d’une filière transparente et d’une meilleure implication des femmes et des jeunes dans le secteur. Le projet repose sur l’engagement d’une coalition d’acteurs publics et privés qui ont uni leurs forces pour transformer une industrie économiquement fragile. Le Fonds Livelihoods pour l’agriculture familiale (L3F) a réuni Danone, Mars (par l’intermédiaire de son fournisseur Prova), Firmenich, l’Agence française de développement (AFD) et l’ONG locale Fanamby, parmi d’autres ONG locales partenaires, pour embarquer 3 000 petits exploitants et leurs familles dans cette initiative de transformation sur 10 ans.

Quel est le point de vue de nos partenaires sur les réalisations du projet jusqu’à présent ? Quels sont les principaux enseignements, les défis rencontrés et les signaux positifs pour l’avenir ? Dans cette interview, la parole est à Serge Rajaobelina, fondateur de l’ONG Fanamby à Madagascar.

Livelihoods Venture : Notre projet commun est basé sur un partenariat opérationnel avec les Fonds Livelihoods et les entreprises privées. En tant qu’ONG, comment avez-vous vécu ce partenariat et quelles sont les leçons apprises jusqu’à présent ?

Serge Rajaobelina, Fondateur de l’ONG Fanamby

« Il est toujours complexe, pour une ONG telle que la nôtre, qui est guidée par des indicateurs de développement et d’environnement, de s’engager avec le secteur privé qui est orienté résultats et a des exigences de qualité des produits. Mettre en œuvre un projet ensemble est un processus d’apprentissage à long terme. Les agriculteurs ne peuvent pas répondre à un e-mail, une demande ou une exigence de qualité à la seconde. La transformation sur le terrain prend du temps. C’est un défi intéressant, car aujourd’hui, nous observons que le secteur privé est plus orienté vers le long terme qu’auparavant.

Les acteurs privés prennent des engagements à long terme et prennent le temps de mieux comprendre les contraintes et les besoins des agriculteurs. Ce partenariat a été très fructueux pour nous. Nous avons réussi à lier les attentes des deux parties prenantes dans une initiative commune qui apporte des bénéfices concrets aux agriculteurs.

Ensemble, nous avons mis en œuvre un projet de développement rural qui a permis de mieux relier les producteurs de vanille au marché. Nous avons travaillé étroitement avec les communautés rurales, les agriculteurs et leurs familles pour améliorer leurs conditions de vie, contribuer au développement du village et des municipalités, avec le soutien total du secteur privé. »

LV : 5 ans après le lancement du projet, quelles sont les principales réalisations et les défis rencontrés ?

« L’étude de perception sociale récemment menée montre des résultats très encourageants. Mais il a également été difficile de convaincre les agriculteurs de travailler avec le secteur privé. Les agriculteurs et les communautés rurales ont tendance à se concentrer sur le court terme, car ils doivent subvenir aux besoins de leurs familles dans un contexte de pauvreté complexe. Tous les agriculteurs ne sont pas sur le même rythme : certains comprendront rapidement l’approche de transformation à long terme, d’autres ont besoin de plus d’accompagnement.

En ce qui concerne la structuration de la chaîne d’approvisionnement, les activités ont démarré sans encombre. Auparavant, les communautés d’agriculteurs étaient très dépendantes des acheteurs intermédiaires et des collecteurs externes qui profitaient de la filière. Une situation à l’opposé de ce que nous voulions réussir. Les agriculteurs ont vu dans le projet une réelle opportunité d’accéder à un marché équitable et d’améliorer leurs revenus.

Sur le plan environnemental, il est important de garder à l’esprit que nous ne pouvons pas parler aux agriculteurs de préservation de la nature et de la biodiversité, alors que subvenir à leurs besoins vitaux est prioritaire pour eux. Là encore, il faut du temps pour sensibiliser les agriculteurs à la préservation des ressources naturelles. Mais dès qu’ils comprennent que leurs moyens de subsistance dépendent directement des écosystèmes naturels, il devient plus facile de discuter avec eux. Aujourd’hui, les communautés locales sont conscientes des impacts négatifs de la dégradation de l’environnement sur leurs parcelles et de la nécessité d’embarquer également les jeunes agriculteurs à ce sujet. »

LV : Au regard de la transformation en cours, quel est l’élément qui vous semble le plus prometteur pour l’avenir ?

« La jeune génération d’agriculteurs nous apporte beaucoup d’espoir pour l’avenir. Ils sont dans une toute nouvelle dynamique dans le secteur, ils sont ouverts d’esprit et plus tournés vers le monde extérieur. Ils s’engagent à contribuer à des exploitations agricoles productives et à des écosystèmes plus sains. Au niveau des exploitations, la diversification de la production pour aider les agriculteurs à moins dépendre des revenus de la vanille est également un signal positif. Le soutien à long terme des partenaires privés du projet, par le biais du Fonds Livelihoods pour l’Agriculture Familiale, nous aide à explorer d’autres sources de revenus que la vanille. C’est la clé pour contribuer à sortir les agriculteurs de la pauvreté.

Les résultats du projet à date montrent que nous sommes dans une véritable démarche de partenariat avec des perspectives économiques et environnementales encourageantes. Depuis le début, chez Fanamby, notre état d’esprit a été d’encourager les décisions et les actions venant des agriculteurs eux-mêmes. Nous voulions établir un réel dialogue avec eux, et ensemble les aider à améliorer leurs moyens de subsistance. Dans le cadre du projet Livelihoods, nous avons réussi à garder le même état d’esprit et à nous aligner sur les mêmes valeurs, qui sont le moteur de notre action sur le terrain au quotidien.«